Dématérialisation des factures – Enjeux et impacts

La réforme de la dématérialisation des factures entre progressivement en vigueur à compter de 2024. Quelles adaptations prévoir sur les volets organisation, SI et Fiscalité ? Comment faire de cette évolution une occasion d’améliorer les processus de facturation ?

Dématérialisation des factures : les points clés de la réforme

La Loi de Finance 2020 a introduit l’obligation de facturation électronique pour les entreprises assujetties à la TVA et établies sur le territoire français. L’ordonnance du 15 septembre 2021 (Journal Officiel du 16 septembre 2021) a décalé de 18 mois le calendrier de mise en œuvre progressive de cette mesure.

  • A compter du 1er juillet 2024, l’obligation s’appliquera à l’ensemble des entreprises en « réception » des documents, et, en « émission », seulement aux grandes entreprises ;
  • A compter du 1er janvier 2025, l’obligation inclura en « émission » l’ensemble des entreprises de taille intermédiaire ;
  • Enfin à compter du 1er janvier 2026, la mesure concernera également les PME et les TPE/microentreprises.

La dématérialisation des factures poursuit plusieurs objectifs, relevés par le rapport de la Direction générale des Finances publiques « La TVA à l’ère du digital » :

  • Faciliter les démarches administratives et générer un gain de compétitivité non négligeable. Le rapport chiffre à 4,5 milliards d’euros l’économie réalisée ;
  • Simplifier les obligations déclaratives de TVA et lutter contre la fraude. Il s’agit de diminuer l’écart de TVA ;
  • Favoriser la connaissance en temps réel de l’activité des entreprises soumises à la TVA.

Les acteurs bancaires sont exonérés de TVA sur de nombreuses opérations :

  • Opérations relatives au crédit, aux prêts et pensions de titres,
  • Constitution de garanties,
  • Opérations relatives aux dépôts de fonds, paiements, créances et effets de commerce,
  • Opérations sur devises, billets et monnaies ayant cours légal,
  • Opérations portant sur des titres,
  • Opérations de gestion des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, de fonds d’investissement alternatifs et autres placements collectifs,
  • Prestations de services à caractère financier portant sur l’or d’investissement,
  • Rémunérations perçues par les établissements émetteurs de cartes de paiement ou de crédit.

Ils sont toutefois concernés au titre des opérations qui se rattachent spécifiquement au commerce des valeurs et de l’argent, et celles qui ne s’y rattachent pas comme le crédit-bail, location de coffres-forts, recouvrement de créances et opérations liées aux services généraux, opérations diverses. Quels sont les impacts à anticiper et les moyens de mise en œuvre ?

Dématérialisation des factures : deux modèles de mise en œuvre

Avec la réforme, l’obligation d’émettre des factures au format électronique (e-invoicing) s’étend à toutes les transactions domestiques entre assujettis à la TVA. A des fins de contrôle, la réforme prévoit aussi la transmission à l’administration des données de facturation et de données complémentaires au titre des transactions non domestiques exemptées de cette obligation, (e-reporting).

La DGFiP envisage deux schémas de transmission de ces données :

Dématérialisation des factures - La DGFiP envisage deux schémas de transmission de ces données : Modèle en « V »

Dématérialisation des factures - La DGFiP envisage deux schémas de transmission de ces données : Modèle en « Y »

Le « modèle Y » permet :

  • Des échanges de données fluides, via les plateformes privées, sans goulet d’étranglement au niveau de la plateforme publique centralisatrice ;
  • Des coûts de développement limités pour les acteurs ayant déjà recours à des plateformes privées mais aussi pour les nouveaux arrivants qui auront la possibilité de se connecter directement à la plateforme publique.

Des synergies existent avec la plateforme Chorus Pro, déjà utilisée dans la sphère publique. Cette plateforme propose notamment :

  • la transmission de factures à destination de l’émetteur ou du destinataire de la facture,
  • le suivi des factures,
  • l’annuaire des entreprises.

Dématérialisation des factures : adaptations à prévoir par les acteurs bancaires

Les premiers enjeux tiennent à la définition même de la facturation électronique, telle que définie par le droit fiscal.

Pour définir une « facture électronique », le droit fiscal établit 4 critères fondamentaux (article 289-V du CGI) :

  • L’authenticité, qui permet de garantir l’identité de l’émetteur
  • L’inaltérabilité, qui empêche les modifications éventuelles par un utilisateur
  • La lisibilité, qui facilite son exploitation par des personnes ou par des outils informatiques
  • L’archivage, qui garantit sa conservation durant les délais légaux indiqués (10 ans).

Ces contraintes constituent un enjeu non négligeable pour les entreprises. S’y ajoute la nécessité de garantir la transmission des factures sur la plateforme nationale de l’administration fiscale.

Les impacts de cette réforme s’organisent pour les entreprises autour de trois axes :

  • 1er axe : le modèle organisationnel 

L’enjeu consiste à assurer la traçabilité de la facture entre son émission et la livraison de la prestation. Les entreprises doivent ainsi prévoir la mise en œuvre et l’intégration dans leurs processus des contrôles adéquats. Bien en place dans les grandes structures, ce processus reste immature dans les organismes de taille plus modeste.

La refonte du circuit de validation des factures passe par la suppression du parapheur papier, par l’implémentation ou la systématisation d’un dispositif de signature électronique afin de garantir l’authenticité du document.

  • 2ème axe : la question du SI

A terme, l’administration fiscale n’acceptera plus que les formats EDI/XML, qui permettent une structuration de la donnée et une intégration plus rapide en base de données. Les factures sous fichier PDF, aujourd’hui transmissibles sur les plateformes, peuvent contenir des images. Elles nécessitent des outils d’extraction trop gourmand en ressources (reconnaissance optique de caractères, IA, reconnaissance automatisée de zones d’intérêt).

Il y a ainsi un enjeu d’interface entre les systèmes traitant les données sources pour la facturation ou consommateurs de données de facturation (système de gestion des achats, comptabilité, suivi des engagements…). Il s’agit d’organiser l’interopérabilité de ces systèmes, et ce au nouveau format imposé. Ce format doit inclure les données habituelles (date, libellé, montant) ainsi que des informations moins intuitives, telles que le régime de TVA applicable.

S’ajoutent à ces questions d’interface, des problématiques de qualité, qui pourront émerger lors de la réception des factures par le payeur. Par ailleurs, la convergence vers un format de données commun s’avèrera d’autant plus longue et complexe que les systèmes utilisés dans les processus de facturation et de paiement seront hétérogènes.

Le déploiement et la mise à niveau auxquels devront procéder les acteurs du marché doit prendre en compte ces contraintes. Ce travail impliquera la coordination des différentes directions concernées (achat, informatique, finance).

  • 3ème axe : la dimension fiscale

Le maintien d’une piste d’audit fiable est obligatoire. En cas de contrôle fiscal, elle doit permettre à l’administration fiscale de suivre une transaction depuis l’initiation du bon de commande jusqu’au dénouement de l’opération. Elle doit inclure les mentions précises du fournisseur de la prestation, de l’acquéreur, ainsi que l’objet et le régime de TVA afférent. Les entreprises qui s’affranchiraient de cette obligation s’exposeraient à des sanctions (rejet de la déductibilité de la TVA & pénalité).

Pour rappel, la DGFIP a identifié les gains espérés et les réserves liées à la réforme.

Gains espérés

  • Réduction des coûts de traitement de facture (réception papier ou par mail, saisie, archivage, frais postaux, réduction des délais de paiement)
  • Pré-remplissage automatique des déclarations de TVA voire télétransmission automatique pour limiter les erreurs de déclaration ou les oublis
  • Interface avec l’outil comptable pour générer les écritures
  • Production automatique du rapprochement bases/TVA Amélioration de la traçabilité des données (piste d’audit)

Réserves

  • Coût lié à l’abandon des solutions de facturation électroniques déjà opérantes Sécurité et durabilité des plateformes privées en charge de la transmission des factures
  • Gestion des rejets des factures (erreur de facturation ou mauvaise société cliente facturée)
  • Coût financier inhérent aux développements informatiques des évolutions souhaitées et au raccordement à la plateforme publique/privée
  • Cohabitation de l’ancien et du nouveau système tant que les PME ne seront pas intégrées, induisant ainsi une complexité supplémentaire. Exemple : une PME traitant avec un grand groupe devra travailler en EDI/XML tout en pouvant continuer à émettre des factures sur des carnets à souche avec feuille de carbone, ce qu’elle ne se privera pas de faire étant donné qu’elle ne souhaitera probablement pas réaliser les deux transformations (émission et réception) en même temps.

 

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Réaliser les arrêtés comptables et réglementaires d’un grand établissement bancaire

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